Voici énoncé pour l’essentiel le fameux principe d’Archimède tel qu‘on 
				peut le lire dans les dictionnaires. Sans chercher à approfondir 
				la question, on réalise bien que c’est avec cette poussée que 
				bon nombre d’objets flottent. Peu de plaisanciers en ont 
				conscience, c’est pourtant grâce au savant sicilien ou grec, ou 
				les deux à la fois, qu’ils peuvent s’adonner à leur loisir 
				favori, naviguer, car sans ce principe, ils couleraient. 
				
				
				Aujourd’hui, il convient de 
				s’alarmer car un certain nombre d’individus, au premier rang 
				desquels figurent les sous-mariniers de tout bord, je veux dire 
				ceux de bâbord comme de tribord et autres scaphandriers 
				autonomes ou pas, viennent sans vergogne demander l’abolition du 
				principe d’Archimède.
				
				Il est regrettable qu’Archimède, 
				étant mort depuis plus de deux mille ans, ne puisse venir 
				défendre sa loi. Aussi je le ferai à sa place, car non seulement 
				elle est fort utile mais elle est aussi d’une éblouissante 
				moralité.
				
				Notons en premier lieu 
				qu’Archimède avait le sens de la mesure car il pousse fort les 
				gros bateaux, comme c’est nécessaire, et plus faiblement les 
				petites embarcations. Pourtant, et j’y vois là un paradoxe, ce 
				sont les plus fort poussés qui s’enfoncent le plus dans l’eau , 
				ils ont le plus grand tirant d’eau allant parfois jusqu’à dix 
				mètres, tels les tankers,  alors que les plus faiblement 
				poussés, tels les canots pneumatiques, ont un tirant d’eau 
				ridicule d’à peine quelques centimètres. Le Géotrouvetout grec 
				qui était un costaud, -il en faut de la force pour pousser les 
				cinq cent mille tonnes d‘un pétrolier-, savait doser ses 
				efforts.
				
				Archimède veillait aussi à 
				appliquer sa poussée avec parcimonie et à bon escient,  excluant 
				d’emblée, parfois avec beaucoup d’à propos, un certain nombre 
				d’objets. Les enclumes par exemple, plongez une enclume dans 
				l’eau, vous verrez qu’elle disparaîtra immédiatement de la 
				surface répondant au principe d’Archinul qui dit que « Tout 
				corps plongé dans un liquide peut être considéré comme perdu si 
				au bout d’un moment il ne réapparaît pas à la surface. » 
				Ceci découragera pas mal de gens d’emporter avec eux une enclume 
				pour se baigner, et c’est un bien, car une enclume n’a rien à 
				faire dans les lieux de baignade. Autre exemple, le fait d’avoir 
				exclu les ancres du principe d’Archimède me paraît fort 
				judicieux, les bateaux seraient bien embêtés si leurs ancres se 
				mettaient à flotter, même si certains petits malins ont aussi 
				inventé des ancres flottantes, histoire sans doute de faire la 
				nique au savant. Une réserve toutefois, j’aurais bien aimé que 
				le grec en fasse un peu plus pour les clés à molette pour leur 
				permettre de flotter. Combien en ai-je perdues quand elles m’ont 
				échappé des mains au dessus de l’eau ? 
				
				Néanmoins, hormis le cas des 
				clés, le principe reste très moral car Archimède ne pensait qu’à 
				rendre service à l’humanité. Songeons que, sans lui, on n’aurait 
				pas découvert l’Amérique. Sans lui n’existeraient ni les gilets 
				de sauvetage, ni les canots du même nom.
				
				Aussi, je ne vois pas pourquoi 
				les sous-mariniers s’en prennent au savant? De plus, chacun le 
				sait, c’est avec un beau sens du compromis que ce dernier les 
				laisse se la couler douce au fond des mers. Leur manque de 
				reconnaissance m‘indigne! Car s’il avait voulu, tiens, il aurait 
				poussé plus fort et les sous-marins auraient flotté. Ah, je les 
				vois, ces marins des profondeurs, avec leur gros cigare en 
				titane hors de prix, à ne pouvoir dépasser le seuil de la 
				surface, sûr qu’ils auraient franchi le seuil du ridicule. 
				
				
				« -Envoyez le périscope!
				
				- Mais chef, on flotte 
				toujours! » 
				
				
				Ah ! Ils auraient eu l‘air fin!