Série 1

Cahier N° 5  

Juillet 2004

 

La traversée du golfe de Gascogne

350 milles à parcourir entre Brest et La Corogne au NW de l'Espagne. La vitesse moyenne de Banik lui permet de parcourir cette distance en 3 jours. Mais depuis plus d' un mois, le vent est de SW, il vient du 225°. La route directe pour La Corogne est 208° autant dire la même chose. On aura le vent plein de face. Pour un voilier cela signifie remonter contre le vent, tirer des bords, ce qui allonge deux fois la route et ce qui prend trois fois le temps. La perspective de passer près de huit jours dans un bateau couché sur l'eau ne nous réjouit pas. Cependant le dernier bulletin météo est encourageant. Il y aurait du vent de NW (idéal pour nous); mais la situation est instable.

Pas d'hésitation: Il faut quitter Brest tout de suite.

 

"Journal de bord": Traversée du golfe de Gascogne.

Lundi 26 juillet 2004 : En route pour le Gascogne.

 

Mon dos me fait toujours souffrir. (Voir cahiers n°3). Maryse, du voilier Mi Wani, dispose d’une voiture et m’emmène chez un médecin :

 

« Une semaine d’arrêt Monsieur. Repos complet ».

« Je ne peux pas m’arrêter, je prends la mer cet après midi. Donnez moi un traitement qui me permette de partir.

« Bon mais faites attention. Si vous avez fort mal forcez un peu la dose de ce médicament ci  mais ça vous fera dormir ».

« Mais je ne veux pas dormir. Je suis le chef de bord, je dois garder mes esprits clairs »…

« Alors dém……. Vous ».

J’ai suivi son conseil...

 

 

      

Nathalie et Ludovic arrivent au début de l’après midi. Ils sont partis de Tarbes en train, la veille. Nous ne leur laisserons pas beaucoup le temps de se reposer, car on se prépare à un départ immédiat vers le Sud.

Nathalie, notre fille avait déjà traversée 4 fois l'Atlantique à l'age de 12 ans. Ludovic son ami n'est jamais monté sur un voilier. Il a hâte de découvrir tout ce que Nathalie lui raconte.

 

 

Nous quittons le ponton du port du Moulin blanc à 16 heures 30 accompagnés par les coups de corne de brume de Mi Wani.

Je réponds en soufflant dans ma conque. J'ai péché ce coquillage aux Antilles où il abonde. Nous en avons extrait la bête qu'Anik a accommodé comme on mange le poulpe.

Quand on coupe proprement la pointe (avec une disqueuse) cela forme une embouchure dans laquelle il faut faire le geste du trompettiste. Ça tonne aussi fort que les cornes de brume en plastique et c’est plus exotique d’utiliser cet instrument.

   

Comme le vent nous pousse vers la sortie, je déroule de suite le génois léger pour que Banik ait plus d’allure en s’éloignant sous voile … même si le moteur tourne encore au ralenti.

 

La mer est belle, un NW force 4 nous pousse au bon plein pour aller arrondir la chaussée de Sein. Nous ne souhaitons pas nous approcher trop de cette avancée rocheuse. Respectons l’expérience du dicton marin qui dit « Qui voit Sein voit sa fin ».

 

   

 

De 22 à 23 heures, j’accompagne, Nathalie dans son quart. Nous sommes fort impressionnés par une grosse barre nuageuse qui se rapproche de nous par l’arrière. Dans la partie basse de la masse monumentale qui nous rattrape, la limite toute noire est nette comme coupée au couteau. Le haut est blanchâtre, encore éclairé par le soleil qui, pour nous,  a déjà disparu derrière l’horizon. C’est comme si nous naviguions au pied d’une énorme falaise menaçante surmontée d’un glacier prêt à s’effondrer sur nous. (Les photos n’ont rien donné de cette impression)

 

Mardi 27 juillet 2004 :

Le vent est complètement tombé. Il est 3 heures du matin, Nous sommes obligés de démarrer le moteur pour préserver les voiles qui battent et récompenser l’effort de celui qui veille.

Quand j’émerge vers 8 heures je vois de suite que le vent a tourné au petit matin. Il souffle suffisamment fort pour pousser les penons vers l’avant malgré la vitesse de Banik qui est toujours poussé par son moteur. C’est le moment tant attendu de renvoyer pour la première fois depuis bien longtemps les deux génois que l’on installe en ciseaux sur deux tangons. Jean-Paul, toujours soucieux de préserver mon dos encore douloureux, se propose pour la manœuvre. J’installe le premier avec lui pour qu’il repère les manipulations et il installe le deuxième seul.

C’est vraiment génial cette configuration de voile. Le moteur est coupé. Quel silence. Il n’y a plus que le clapotis de la coque sur une mer très calme. On avance tout de même à 4,5 nœud ce qui est tout à fait honorable avec ce vent. Autour de nous l’océan, le voilier avance seul vers l’horizon. Ça pourrait durer des semaines comme ça…

 

Comme il n’y a pas de mer, la récompense c’est un super petit déjeuner bien assis dans le carré.

Ludovic trouble notre quiétude en appelant : C’est une bande de petit dauphins au ventre blanc qui entoure le bateau. Pour Ludo c’est la première rencontre avec ces mammifères et il mitraille avec son appareil photo. Les dauphins ne resteront pas longtemps car Banik ne va pas assez vite pour qu’il soit amusant de jouer avec la vague d’étrave. Une fois les dauphins partis, nous mettons les lignes de traîne à l’eau. Sans grand espoir, car quand il y a des dauphins il n’y a en général plus de poissons dans le grand bleu de l’océan.
   

Nous sommes étonnés de retrouver cette couleur que l’on avait oubliée et qu’on ne peut pas observer comme ça  en Mer du Nord ou en Manche.

 

 

 

Mercredi 28 juillet : Il y en a des choses dans la mer.

L’océan est très calme, il n’y a plus de vent. D’ailleurs il a fallu relancer le moteur. C’est dans ces conditions qu’on observe le plus de choses à la surface de l’eau. Quand il y a des vagues, il est beaucoup plus difficile de repérer le dos rond d’une baleine qui n’apparaît que le temps de venir respirer. Ludovic qui a les yeux d’un gamin devant une vitrine de Noël, scrute en permanence les 360° de l’horizon. Pas étonnant qu’il voit des choses.   Dauphins, rorquals communs, vaisseaux portugais…

 

Le rorqual est une baleine qui peut atteindre 25 mètres de long. C'est-à-dire deux fois la taille de Banik. Heureusement ces mammifères sont paisibles. Elles ont un aileron sur le dos. C’est souvent ce qu’on voit le mieux car c’est ce qui sort le plus quand elle sonde.  On voit le reste du dos qui défile ensuite mais elle ne sort jamais sa queue.  Souvent les baleines se déplacent par deux ou trois. Tout le monde est sur pont à la recherche du souffle qui projette verticalement un fuseau d’eau vaporisée. C’est comme ça qu’on les repère.

 

Les vaisseaux portugais : Il y en a des millions à la surface de l’eau. Ce sont des petites méduses transparentes qui ont la particularités de gonfler une poche d’air qui sort de l’eau. Cette poche profilée leur sert de voile et leur permet de remonter au vent. Les vagues les font virer de bord au hasard de leurs caresses. Les méduses d’aujourd’hui sont toutes petites mais lors de notre traversée de l’Atlantique vers les Açores, de retour des Bahamas, nous en avions vu  par milliers de bien plus grosses de couleur mauve.

 

En ce qui me concerne je ne me lasse pas de contempler le ciel et ce début de voyage nous offre des cieux bien chargés en nuages. Parfois la lumière qui joue avec les nébulosités donne des images furtives d’une beauté qui ne ressort jamais, hélas,  sur la pellicule. Il faut en profiter tout de suite ou bien c’est perdu.
Souvent j’interpelle l’un ou l’autre pour lui montrer car c’est encore plus plaisant quand on le partage, qu’on en discute. C’est aussi ça le plaisir de la navigation. Je pourrai ne parler que de la direction du vent, du régime du moteur, de l’angulation des voiles, du réglage du point de tire de l’écoute de génois, mais non. Là j’ai envie de rêver en regardant le ciel.  

Nathalie est gênée par ses cheveux qui prennent le peu de vent que l’on a. Elle demande à Ludovic de lui composer une coiffure afro du plus bel effet.

Jeudi 29 juillet :   Enfin un peu de voile.

 

 

 

Le soleil se lève à l'Est comme d'habitude et le vent est revenu au SW force de 1 à 3. On tire des bords, on n'avance pas vite, on  ne gagne que quelques milles sur la journée mais enfin, on marche à la voile…

Les nouveaux panneaux solaires (3 fois 50 watts) remplissent bien leur mission et donnent entre 4  et 8 ampères heure suivant l’orientation et la luminosité de l’astre. C’est pas mal.

 

Vendredi 30 juillet : 12:00 heures Arrivée à la Corogne

Dans la nuit la brume tombe en même temps que le vent, nous cachant les feux de la terre espagnole que nous avions eu le plaisir d’apercevoir avec le début de l’obscurité.

Le moteur et le radar sont remis en route. L’un pour nous pousser l’autre pour éviter les nombreux bateaux de pèche qui sillonnent la zone.

Dans la matinée, le soleil arrive à peine à dissiper la ouate qui englobe tout.

Anik qui s’est postée à l’avant aperçoit la première la tour Hercules qui marque l’entrée de la baie vers la Corogne. C’est elle qui aura droit à la double ration de rhum. (Les autres auront tout de même une simple).

   

Cliquez pour voir les conseils pour l'atterrissage et la description du mouillage de la Corogne à proximité du phare de la tour Hercule.

 

 

 

Ce document est un Cahier de voyage de Banik en route autour du monde. Il a été écrit au moment ou il a été vécu et il est mis en ligne sur le site plusieurs années après. Jusqu'à présent, seuls les abonnés aux Cahiers de voyages avaient pu le lire en temps réel.

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