LOS TESTIGOS :     Venezuela

 

L'archipel des Testigos est situé à environ 50 milles à l'Est de la grande île de Margarita ou se trouve la baie de Guaraguao avec la ville de Porlamar et l'agent qui s'occupe des papiers pour faire une entrée officielle au pays. Les quelques garde-côtes qui stationnent sur l'île de la Iguana dans l'archipel des Testigos ne peuvent pas délivrer les permis d'entrer au Venezuela, ils se contentent de noter le passage des voiliers. Une tolérance de quelques jours est accordée pour se reposer avant de reprendre la mer.  Après être passé à Margarita rien ne nous empêche de revenir aux Testigos le temps que l'on désire. Rien si ce n'est les 50 milles à remonter contre le vent et le courant.

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Informations générales

L'Archipel est composé de 7 à 8 îles et îlots (Attention sur notre dessin n'apparaît pas l'île de Raada qui est située un peu à l'Est). Quand on aborde les îles en venant de Trinidad ou de la côte Vénézuélienne, on entre par le Sud de l'archipel et c'est mieux car on est dans le sens du courant qui est assez fort pour la région (parfois plus de 2 nœuds). Cela fera sourire les bretons... Je le signale   quand même car on perd vite l'habitude d'en tenir compte dans ces régions presque sans marées. La démonstration est infligée à de nombreux skippers qui arrivent de Grenade ou de Martinique... Il est classique de calculer l'heure de départ en fonction de la distance à parcourir et de la vitesse probable du voilier. le but est d'arriver sur l'archipel peu après le lever du jour, en ayant déjà aperçu au lointain la lueur du phare trouant l'obscurité de la nuit finissante afin d'indiquer au navigateur le dernier cap à suivre...  En réalité vous avez une chance sur deux de voir le phare (éclat blanc 10 secondes) puisqu'il ne fonctionne pas fiablement, et le courant portant vous aura fait gagner quelques heures de route pour vous permettre d'arriver en pleine nuit sans vous en rendre compte...  Bien sur maintenant il y a les GPS et une balise verte et une autre rouge ont été placée sur les îles de Testigo Grande et de Iguana... Cependant il est plus facile de passer entre les îles de jour la première fois...

A l' arrivée dans les îles il faut faire l'entrée à la Iguana, c'est vite terminé et les gardes côtes sont plutôt sympas.
(Les équipes ne sont pas toujours les mêmes mais à nos trois passages étalés sur 15 ans, nous avons à chaque fois été agréablement surpris par la gentillesse de ces jeunes militaires)

Ensuite on peut découvrir le charme (certain n'en trouve pas du tout) de ces petites îles assez basses et desséchées. C'est préférable de parler un peu espagnol, cela permet de lier le contact avec les habitants du petit village. Ils nous ont invités à la procession de la fête de la vierge, patronne des marins.

Il ne faut pas espérer faire des courses au village, il n'y a rien à vendre. Une exception cependant, durant les fêtes de la Vierge première quinzaine de septembre : On trouve du coca, de la bière ou du rhum vénézuélien, pas cher certes, mais il nous a fallu plusieurs mois pour nous y habituer sans jamais nous faire oublier celui des Antilles françaises.

L'excursion jusqu'au phare au sommet de l'île de Testigos Grande (246 m) est sympa à faire. Prenez simplement la précaution d'éviter la chaleur du midi et d'enfiler des jeans épais pour vous protéger les jambes des cactus sauteurs. Leurs épines munis d'hameçons font beaucoup moins souffrir quand ils rentrent dans la peau que lorsqu'il faut les faire ressortir.

La grande dune de sable, au SW de Testigos Grande.
Nous avons joué à la débouler avec les enfants. Banik était resté à l'ancre près des bateau de pèche locaux.

 

On parle de lui à l'autre bout de la terre quand deux équipages qui sont passés aux Testigos se rencontrent...       Voici Chun Chun, le pécheur sage.

Extrait de notre livre  "Car la mer est notre jardin".  Voyage 1995 - 1997
A découvrir sur le CDRom de Banik

.../...    Nous relevons l'ancre aussitôt pour nous rendre à Playa Réal qui est notre endroit préféré aux Testigos. En chemin Gibé pèche à la traîne une petite carangue qui fera notre régal ce midi. Il n'y a qu'un voilier au mouillage, cela change des petites Antilles... Nous jetons l'ancre non loin de la longue plage de sable blanc que nous pouvons rejoindre à la nage.

Pendant que je fais la sieste, Gibé part à la chasse sous marine avec 2 jeunes pécheurs vénézuéliens. Ils ramènent 3 belles langoustes. Il est vrai que les locaux savent ou elles se trouvent. Anik cuit les bêtes et fait la mayonnaise à l'ail et nous dînons tous sur l'autre voilier à bord duquel nous sommes invités avec Chun Chun, le chef de famille vénézuélienne et deux de ses fils.

.../...

Les jours passent. Nous aimons la vie calme des mouillages dans les îles. Nous péchons, nous nous reposons, nous faisons de grandes ballades ...

Gibé grée sa planche à voile. Un vent soutenu de SE va lui permettre de bien s'amuser. Comme le vent vient de terre et pousse au large, il bénéficie d'un plan d'eau parfaitement lisse pour surfer s'il reste à l'abri dans la baie. Mais le démon de l'exploration le titille. Il tire un bord vers l'île qui est en face. Il n'a pas encore tous les réflexes des bons marins. Déjà le vent qui pousse vers le large, aurait du l'inciter à la prudence, surtout avec son vieux matériel qui casse tout le temps. Mais il n'a pas du tout tenu compte du fort courant de plus de 3 nœuds qui sort de l'archipel vers le large. Anik me dis: "Tu ne trouves pas qu'il va un peu loin ?" "Si, il est en train de se faire emmener par le vent et le courant et il ne s'en rend pas compte". Gibé s'en est rendu compte quand il a voulu tirer un bord pour revenir. Il a du serrer le vent de plus en plus et son cap ne lui permettait jamais de revenir à son point de départ. "Il faut aller le chercher" dit Anik. "Pas tout de suite, il n'a pas assez dérivé, il a encore l'impression qu'il pourra revenir, il dira que ce n'était pas la peine, il faut qu'il se plante et que l'on fasse un vrai sauvetage sinon sa fierté l'empêchera de comprendre la leçon". Nous le laissons donc partir à la dérive en le surveillant aux jumelles. Ce qui m'ennuie dans l'expérience que nous le forçons à vivre c'est qu'il va falloir relever l'ancre de BANIK car nous ne pouvons aller le chercher en annexe. Il est trop au large pour que ce soit prudent de s'y aventurer avec un petit moteur.  Et il faudra revenir contre le courant en tirant sa planche. Je me prépare donc à démarrer le diesel de BANIK et à remonter le mouillage quand Chun Chun arrive avec sa lancha.

"Ton fils ne saura plus revenir" nous dit-il "Cela fait un moment que je le surveille de ma maison... Vient on va aller le chercher". Brave Chun Chun, c'est vrai que c'est plus pratique avec son rapide canot capable d'affronter la haute mer. Par contre je pourrai moins tirer les oreilles de Gibé en présence d'un tiers.

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Chun Chun le pécheur :
La sagesse par l'expérience

Quand il nous voit arriver vers lui en poussant une gerbe d'écume de chaque coté de l'étrave, Gibé a déjà compris la leçon. Le vent a bien diminué, cela fait une heure qu'il se bat sans gagner un pouce, il a déjà dépassé la hauteur des dernières terres, il s'éloigne inexorablement vers le large. Il naviguera cependant jusqu'à ce que nous soyons à ses cotés, pompant sur sa voile pour faire avancer sa planche sans vitesse propre qui est emportée par le fort courant. Lâcher la voile avant, pour nous attendre aurait été s'avouer vaincu, reconnaître implicitement qu'il ne savait plus rentrer. Quand nous le prenons à bord avec sa planche, il essaie quand même de nous bluffer "C'est vrai je ne savais pas revenir à Playa Réal mais j'allais pouvoir atteindre le dernier cailloux de l'archipel, et de là, après m'être reposé, à la renverse du courant..." " Il n'y a pas de renverse de courant, tu ne pouvais plus nous rejoindre..." Chun Chun a parlé, la déclaration du patriarche de l'île, le pécheur qui connaît le mieux son coin est sans discussion. Intérieurement je pense: "Merci Chun Chun, face à moi il n'aurait jamais admis son erreur".

Sur la route du retour nous passons près d'un pélican qui ne s'envole pas à notre approche. Chun Chun fait demi tour et se place pour que nous puissions l'attraper par le bec. Une fois l'oiseau dans la barque le pécheur reprend sa route vers les îles. "Que vas tu en faire Chun Chun, Ca se mange ?" "Non, je vais le soigner, cet oiseau est blessé il ne sait plus voler. Il est en train de partir au large en dérivant dans le courant, avant ce soir un requin l'aurait mangé, il y en a beaucoup par ici..."

Je regarde Gibé, il sourit jaune... la leçon de Chun Chun est magistrale.

Le soir nous mangeons des nouilles à la langouste avec nos amis pécheurs. Gibé a une faim de requin, il dévore toute son assiette...

 

Nous sommes repassé aux Testigos dix ans après cette aventure. Chun Chun nous a immédiatement reconnu (ou bien il a reconnu Banik qui avait moins changé que nous...) et nous avons reparlé de cette histoire.
Pour mieux faire connaissance avec Chun Chun et sa famille, abonnez vous aux Cahiers de voyages de Banik qui racontent notre vie et nos découvertes au fil de notre route autour du tour du monde.

Une information circule sur le décès de Chunchun. C'est toujours délicat de parler de cela quand on en est pas certain. Que sa famille sache en tous cas qu'on l'aime bien et qu'il est toujours présent dans le cœur  de nombreux navigateurs de passage.

 


Le mouillage de Playa Real ou habite Chun Chun.
Certes en pleine saison cyclonique il y a pas mal de voiliers qui viennent attendre ici
en goûtant le bon de la vie. Mais la plupart du temps on peut être quasiment seul.
Au fond l'île de la Iguana.

 

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