Lettre à un ami,  

       

Décembre 1989 Banik est mis à l’eau sur les eaux grises contre un quai de la Deûle à Lille où nous l’avons entièrement construit durant les années qui précèdent.
Au printemps suivant nous descendons toute la France par les canaux pour finir les aménagements et la mise en place du gréement sous le soleil de Palavas.
Après une petite balade vers la Corse pour faire les mises au point nous sommes prêts à partager sa vie pour des décennies. C’est notre pacte et nous l’avons scellé en mariant nos prénoms : Baptiste + Anik c’est Banik.

C’est en grande  partie à son bord que nos enfants ont grandi. Ils y ont vécu pendant des années. Ils ont acquis des connaissances en suivant les cours par correspondance mais beaucoup aussi  en parcourant les mers et les terres inconnues. Ils ont développé leurs muscles en manœuvrant les cordages de Banik et affuté leur vigilance en composant avec les éléments maritimes. Ils ont aiguisé leur sensibilité en la nourrissant de l’observation des océans et de la nature. C’est à son bord qu’ils ont fait grandir leur corps et leur esprit pour devenir les adultes dont nous sommes fiers aujourd’hui. C’est grâce à Banik que nous avons pu offrir à nos enfants les conditions de cette métamorphose réussie.
Après leur avoir donné la vie, c’est notre plus beau cadeau.

Puis les jeunes sont partis naviguer de leurs propres voiles pour suivre d’autres routes..
Banik nous attendait, tirant sur ses amarres. Il avait déjà traversé plusieurs fois l’Atlantique et son étrave nous montrait le passage entre les Amériques. Nous voulions tous les trois découvrir le Pacifique et le reste du monde.

11 ans !     Pendant 11 ans sans revenir mouiller sa quille en Mer du Nord, Banik nous a porté,  transporté, protégé du sel, du vent, de la pluie ou du soleil... Il nous a permis ce voyage inouï qui nous a transformés à notre tour. Grâce à Banik nous n’étions plus les mêmes en revenant à Dunkerque, notre port d’attache.

Comment faire comprendre à quiconque le lien d’amour que nous avons avec ce beau voilier dont nous avons partagé la vie pendant 32 ans. C’est plus qu’un compagnon de voyage, c’est un vrai ami à qui il m’arrivait souvent de parler à voix haute quand j’étais seul de quart.

Après notre retour, il nous a fallu 7 ans pour nous résoudre à nous en séparer. Il fallu rencontrer la bonne personne. Pas le bon acheteur ! La bonne personne qui saura l’aimer, le prendre en charge, lui permettre de recommencer un jour une vie d’aventure comme nous ne pouvons plus lui offrir. Nous avons confié, plus que vendu, Banik à Mathieu.

Nous savons qu’il y aura toujours une place pour nous quelques jours, par ci, par là, à bord de Banik. Alors nous ne te disons pas Adieu Banik mais au revoir l’ami !

 

Anik et Jean-Baptiste Delannoy


 

www.banik.org