Dossier:
La
météo des zones traversées pendant notre voyage... La traversée de
l'Atlantique, sur la route du retour:
Une traversée en mai, une autre en juin, la troisième en juillet.
3 traversées
vraiment différentes. Mais il y a tout de même des grandes règles qui peuvent guider les choix
tout en restant conscient que ça sera différent de ce que l'on a imaginé
ou préparé... à cause de
tous les petits paramètres qui viennent s'ajouter.
Nous avons traversé
trois fois dans ce sens là, vers les
Açores:
La première fois, en juin 1992 en partant de Floride et en nous arrêtant aux
Bermudes. Nous avons mis huit jours de Cap Canaveral à Saint George et 18 jours
des Bermudes aux Açores.
La deuxième fois, en mai 1997, Banik est rentré
d'une traite de 25 jours (un jour de moins qu'en 1992), de Bimini aux Bahamas (à
50 M de la Floride) jusqu'aux Açores.
La troisième fois, en juillet 2015, Banik a quitté Saint Martin au
Nord de l'arc antillais pour rallier directement les Acores en 26
jours.
Que l'on parte de Floride, des Bermudes ou des Antilles l'objectif
est de rejoindre la partie de l'Atlantique Nord qui est parcourue
par les dépressions générant les vents d'W portants aux Acores.
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En vert: Juin 1992 la
traversée depuis Cape Canaveral via les Bermudes
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En jaune: Mai 1997 la
traversée directe depuis le NW des Bahamas.
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En magenta: Juillet 2015
la traversée directe depuis Saint Martin.
ATENTION!
Le point rose au milieu de nos routes est le sommet d'une
montagne qui remonte à cet endroit à environ 5,5 mètres de
la surface de l'océan. Ce point inconnu jusqu'il y a peu et
qui peut-être fatal pour les cargos n'est porté que depuis
peu sur les cartes marines anglaises. Sa position exacte est
35°22,253' N - 51°29,293'W Son nom: Corner Seamount
La première traversée (1992) a eu lieu au mois de
juin, le temps a été beaucoup plus dur qu'en mai 1997 alors
qu'on était plus loin de
l'hiver et donc, à priori, avec des tempêtes moins fortes. En 2015, c'est
l'inverse, les tempêtes du début mai ont généré des drames avec
plusieurs voiliers qui ont du être secourus au large des Açores.
En 2015 nous avons choisi de partir plus tard (le 29 juin) pour
subir théoriquement des dépressions moins fortes dans la partie
Nord de la traversée. Il a alors fallu gérer la position de
l'anticyclone et de ses calmes.
Quelle
route suivre et quand?
La stratégie pour choisir la route du retour n'est pas si
simple: Il faut bien entendu
remonter vers le Nord pour trouver le régime des vents dominants d'W. Mais il
faut se placer le plus au Sud possible des perturbations d'W pour ne pas trop en
subir les effets.
Si on remonte trop haut, on ressent les phénomènes dépressionnaires
au maximum de leurs forces. Si on descend trop bas on s'enlise dans
l'anticyclone ou pire, on attrape un alizé dans le nez.
Le problème c'est que
les perturbations se déplacent au
moins trois fois plus vite que nous. Il faut donc prévoir le plus loin possible
leur direction et leur intensité pour avoir le temps de réagir :
On doit donc suivre de près la météo.
En
juin 1992 nous avons quitté les Bermudes en compagnie de 7
autres voiliers. Cela faisait quelques jours que l'on attendait tous une
bonne météo. La veille du départ,
certains comparaient leurs stratégies:
3 skippers décident de partir
rapidement vers le Nord. Ils visent le point théorique de 40° N et 55° W
avec la certitude de toucher ensuite des vents établis de secteur W et un
courant favorable.
2 voiliers décident de faire du plein Est le plus longtemps
possible: c'est la route Sud.
Quand à nous, fidèle au dicton qui dit que le
plus court chemin c'est la ligne droite, nous mettons le cap directement sur les
Açores. Cela nous fera monter
tranquillement de la latitude 32° à la latitude 38°. En fait nous avons
navigué une bonne partie du temps sous le 35° N pour remonter plutôt sur la
fin. Il faut dire que nous avions été refroidis dès le début:
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En effet, quelques jours après le départ, une belle dépression
nous rattrape et nous oblige à reculer en restant à la cape toute une nuit par
45 nuds de vent. Un peu plus au Nord, les trois voiliers partis dans cette
direction dégustent sérieusement...
Comme Florence Arthaud qui vient de chavirer dans la
transat anglaise laissant la victoire à Loïc Peyron (ils naviguent en course,
en même temps et sur le même océan que nous mais dans le sens inverse, les pauvres). Arrivés
aux Açores, nous avons rencontré des équipages de la route Sud : Ils n'ont pas
été gênés et sont même assez fiers d'être arrivés avant nous.
Cette
année là, l'option Sud était la bonne. |
En mai 1997: Nous
sommes passés 100 milles au dessus des Bermudes, sans nous arrêter. Nous avons
rejoint assez vite une latitude proche du 38° N que nous avons suivi ensuite.
Les conditions météos ont été nettement plus agréables qu'en 1992. Pas de fortes perturbations.
Nous avons été quasiment à la même vitesse en naviguant presque 200 milles
plus au Nord.
Cette traversée nous a paru plus facile bien que nous
soyons un mois plus tôt en saison... Question de chance.
Mai et juin sont de
toutes les façons les mois généralement conseillés pour entreprendre cette route
en sachant bien que les risques de se faire brasser existent tout de même. Plus tôt
en saison, on n'est pas encore vraiment sorti des grosses dépressions d'hiver sur
l'Atlantique Nord. Il faut les éviter si on n'est pas aguerris.
Plus tard en saison, il y a le risque de se faire rattraper par les
effets d'un cyclone qui peut remonter très haut et revenir sur l'océan vers le NE en suivant le Gulf stream
qui est un courant marin chaud.
Le choix dépend de chacun mais quel qu'il soit, encore
une fois le suivi régulier de la météo est
indispensable. A cette époque quand nous étions au large,
nous n'arrivions qu'à recevoir des extraits de fax météo captés en BLU
et transcrits point à point sur notre ordinateur
portable. Ensuite on analysait chaque mot avec application pour repérer les
dépressions, estimer leur force et leur direction... Pas facile à
déchiffrer parfois.
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En juillet 2015: Le choix fut de partir le
plus tard possible pour laisser à l'été le plus de temps possible pour
s'installer en Atlantique Nord. Bon, mais l'été il y a des cyclones dans les
Caraïbes et ca ne serait pas bon d'en prendre un au large.
Même si on dit que la saison cyclonique démarre aux Antilles deuxième quinzaine
de juin, il faut reconnaitre qu'il y a rarement des cyclones avant la deuxième
quinzaine de juillet. Par exemple, nous avons subi Emily dans la nuit du 13 au
14 juillet 2005, c'était le premier de l'année.
Voir l'article. Donc si on se met en route de Saint Martin fin juin ou tout
début juillet, on sera déjà loin vers le Nord en cas d'alerte. Si on rencontre
une dépression classique dans la partie Nord de la route, ca devrait être
beaucoup plus facile à encaisser puisque c'est l'été et qu'elles sont alors
sensées être moins fortes. La meilleure température de l'air qu'au mois de mai
est également un avantage non négligeable pour rendre la traversée plus
confortable.
L'inconvénient majeur de cette période
est l'énorme zone de calme générée par l'anticyclone des Acores. Cet inconvénient
est aujourd'hui moindre car nous pouvons recevoir facilement à bord des
situations météorologiques fiables. Nous obtenons à la demande des fichiers Grib
grâce au téléphone par satellites Iridium. Voir l'article.
Quand nous n'avions que les fax en réception BLU c'était beaucoup plus
aléatoire, maintenant nos capacités d'analyses peuvent justifier ce choix d'une
traversée plus tardive.
Durant cette navigation 2015 j'ai pu
analyser finement les conditions, choisir des options comme on le voit sur
la carte ci dessus:
La route (en magenta) a fait des zigzags quand nous avons eu 3 jours de calmes
(voir le tracé au-dessus du chiffre 1022) puis le vent est revenu et nous avons repris la route au 80°
cap vers les Açores. Mais grâce aux cartes météo nous avons décidé d'infléchir
carrément notre route vers le Nord. Ce n'est pas facile de ne pas faire route
directe quand on le peut... Mais ca a été payant: Plutôt
que de foncer tête baissée dans une bulle anticyclonique, nous l'avons
contournée sans jamais plus être plantés.
En définitive nous n'avons subi que 3
jours de grands calmes et malgré ces 3 jours j'ai mis le même temps que lors des traversées précédentes
pour parcourir une distance identique.
Grand calme, voiles enroulée, bateau à la dérive, pilote
éteint, lecture, baignades, pêche à la ligne, cuisine... |
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La route enregistrée sur le GPS durant les 3 journées de
calme |
En regardant la carte en début d'article
vous constatez que nous n'avons pas fait une route générale directe de Saint
Martin aux Açores, loin s'en faut.
Avec un voilier comme Banik, il ne faut pas essayer de serrer le vent, surtout
en quittant les Antilles avec un alizé d'Est qui resta entre 25 et 30 nœuds
pendant plusieurs jours. A quoi ca sert de se faire secouer et rincer, pourquoi
mettre le matériel à rude épreuve? Nous ne sommes pas en course et notre seule
richesse est de disposer de notre temps. Choisir une navigation rapide et
confortable vent de travers c'est mieux que de faire une route plus directe.
Qu'elle importance de faire des milles en plus quand on on se sent bien, serein sur l'océan...
Pourquoi essayer d'abréger inconfortablement une situation agréable ? Notre objectif, pour ne pas tomber dans l'excès inverse c'était de faire du
plein Nord. En fait, il nous suffisait de faire route vers les futurs vents d'W
plutôt que vers les Acores pour nous rendre heureux.
Conclusion:
Je ne pense pas qu'il y ait une route optimale tracée sur la
carte. La route optimale, pour moi, est celle qui me pousse au portant, par un
vent maniable, sans être obligé de trop manuvrer, sans être angoissé par
la chute trop rapide du baromètre...
Rappel
1: En hémisphère Nord, le vent tourne dans le sens inverse des
aiguilles d'une montre dans les dépressions. Il faut donc se placer sous
le centre de la dépression pour avoir du vent portant.
Rappel
2 : Plus
on est proche du centre, plus ça souffle. Il faut donc naviguer dans une zone suffisamment éloignée
du passage des centres des dépressions.
Stratégie
: Une fois qu'on a atteint une latitude proche de 38° N et que l'on
fait route vers les Açores, il ne faut
pas hésiter à descendre vers le SE (pour s'éloigner du centre) quand il y a une
dépression qui s'approche, puis on
remonte au NE (pour reprendre la route normale) quand elle est passée...
Il ne faut pas s'obnubiler à faire une
route directe... Peu importe, sur une traversée océanique de naviguer un jour
ou deux à 45° du cap théorique.
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Si on est pris dans une dépression on
serre les dents et elle passe en général en 36 à 48 heures, on peut alors reprendre sa route normalement. S'il est
trop dur de naviguer, pensez à prendre la cape... C'est très reposant, on ne le
fait pas assez quand on est au grand large. |
Attention,
quel que soit le mois choisi, on peut se faire prendre dans l'anticyclone des Açores
à l'approche de cet archipel. On peut y rester encalminé durant plus d'une
semaine. Le seul recours est alors le moteur. Il faut donc faire le plein de
gasoil au départ.
Cette menace est valable quelque soit la route que l'on
prend. En effet, en été l'anticyclone a plutôt tendance à remonter vers le
Nord. On voit sur la carte que c'est ma route réalisée en juillet (en magenta)
qui m'a fait remonter le plus au Nord pour contourner l'anticyclone.
Il
faut un peu de chance pour réussir
un long voyage. Mais il faut laisser la plus petite part possible à la
chance.
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