A notre époque, il y avait plusieurs points
d'organisation à mettre en uvre pour réussir une scolarité au CNED:
1 - La lettre de
motivation
La lettre de motivation à écrire à l'inspection académique pour avoir
l'autorisation de suivre des cours par correspondance. Pour cela, une aide
(ou un appui) de la part du directeur de l'école ou du professeur principal
de l'enfant est envisageable... Normalement il n'y a pas de problèmes, il
est seulement parfois nécessaire d'avoir des arguments plus ou moins forts
selon les académies...
2 - Les livres
scolaires
Les cours
sont fournis par le CNED mais ils doivent souvent être accompagnés de livres scolaires
indispensables car les cours y font référence pour des textes à lire ou des exercices
à réaliser et à renvoyer. Ces livres posent deux problèmes: celui de la fourniture,
celui du coût. A priori on pense que le problème est mineur la première année (celle
du départ) et empirera les années suivantes car on sera loin... Notre cas n'est pas une
généralité, mais pour nous cela a été le contraire.
L'année du départ les enfants ne sont pas inscrits dans une école (si, le CNED),
Ils ne peuvent donc pas "profiter" des organisations de location et de
fourniture de livres comme leurs petits camarades... A moins de connaître
des professeurs qui ont des tarifs sur les fournitures scolaires, on en est
réduit à tout acheter à environ 15 €
le livre, il en faut vite 12 à 15, faites le calcul... avec 2 enfants...
A la fin de la première année scolaire à bord, vous vous retrouvez avec tous ces
livres qui pèsent et ne sont plus utiles... Non non on ne les ouvre plus l'année
suivante, même si on est sûr que cela pourra toujours resservir...
Connaissant le problème, les bateaux avec des enfants se réservent les bouquins de
classe d'un bord à l'autre, d'une année à l'autre...
On les échange, ou on se les revend: le tarif en 1997 était de 4,5 € le livre de
classe quel que soit l'épaisseur ou le sujet... On n'a donc eu aucun problème, ni pour
la recherche des ouvrages, ni pour le porte-monnaie. Quand on rencontre un jeune qui est
dans la classe du dessus, on récupère tout d'un coup... Pour cela, radio cocotiers est
bien utile... et pourquoi pas le net maintenant... que ceux qui auront ce problème y
pensent...
Deux petits bémols toutefois:
- Il faut se trouver au bon moment (juin) à un endroit ou il y a concentration de
voiliers peuplés de moussaillons (îles françaises) .
- Le CNED change parfois quelques livres d'une année à l'autre... C'est alors le
rôle du correspondant à terre de faire parvenir l'ouvrage manquant avec les cours quand
ils seront à sa disposition...
Nous avons complété les livres demandés par quelques bons dictionnaires français,
anglais, espagnol (qui servent aussi aux parents) ainsi qu'un dictionnaire des synonymes.
Un catalogue des 3 Suisses ou de la Redoute a été aussi très utile pour trouver des
illustrations, faire des découpages...
Nous n'avions pas d'encyclopédie car c'est cher, c'est lourd, cela s'abîme en mer.
Nous étions parfois un peu justes en ressources de connaissances diverses. Maintenant il
y a les micro-ordinateurs et les CD contiennent des mines inépuisables pour quelques
grammes.
3 - Le
correspondant à terre
Il est indispensable car le CNED ne peut pas vous poursuivre sur les
océans pour vous faire parvenir la correction des devoirs. Le CNED connaît une adresse
à terre, en France et qui est la même toute l'année. Tous les documents sont envoyés
par le CNED à cette adresse.
Pour le correspondant, c'est un travail qui n'est pas anodin. Faire les inscriptions
d'une année sur l'autre, réclamer les certificats de scolarité pour les
administrations, trouver les bouquins qui manquent, téléphoner au CNED pour avoir la
suite des cours, faire des paquets colis, courir à la poste etc... En général le
correspondant prend à sa charge (tant qu'à faire) tout le courrier de la famille, la
gestion des trucs à payer ou a encaisser, les papiers qui fâchent etc... Il
faut trouver la bonne personne pour ce travail. Merci encore Laure pour tout
ce que tu as fait et continus à faire...
Attention quand on envoie les cours en début d'année:
On ne peut pas se faire envoyer de colis sains et saufs dans beaucoup de pays. Ou alors
il faut passer par des transporteurs privés genre UPS ou DHL etc... Il vous en
coûtera alors pour plus cher de transport que de documents... c'est lourd
des livres... On l'a appris à nos dépends avec une facture de plus de 530 €, nous étions dans un pays
d'Amérique du Sud... Une autre année, pour ne pas nous faire avoir, nous faisons escale
à Curaçao. C'est une île néerlandaise, et nous supposions pouvoir compter sur un
service postal digne d'un grand pays européen. Normalement, en une semaine on devrait
recevoir les cours et pouvoir poursuivre notre voyage. C'est vrai, la poste fonctionne
bien, nous avons reçu trois colis en moins de 10 jours. Seulement il en manque un,
justement celui ou se trouve le début de l'année pour Gibé. Notre correspondante à
fait partir 4 colis de France, de la même poste, le même jour, en même temps. Sur un
des colis, elle a juste oublié d'écrire "par avion". Pendant que ses 3 copains
faisaient la route dans un airbus, le 4ème paquet a traversé l'Atlantique par cargo et
mis un mois pour nous parvenir...
Nous sommes restés bloqués un mois à Curaçao à faire de nombreuses démarches pour
retrouver le colis perdu avant de comprendre que tout cela vient de l'absence de deux
petits mots oubliés: "Par avion".
4 - Le planning
d'envoi des devoirs
Il faut
respecter le calendrier de retour des devoirs. S'il n'y a pas un nombre suffisant de
notes, l'élève ne passe pas en classe supérieure. Quand on sait que certains devoirs
seront en retard, en période de traversée océanique par exemple, n'oubliez pas
d'écrire, avant de partir, un petit mot au professeur principal qui pourra excuser des
circonstances qu'il comprend.
Pour tenir le planning d'envoi des devoirs, celui ci est affiché au dessus de chaque
pupitre avec le programme des cours de la semaine, jour par jour et matière par matière.
Pour renvoyer
les devoirs au CNED il y a la poste bien entendu. Dans de nombreux pays ou le service
postal est aléatoire ou très long, nous avons souvent sollicité la gentillesse de
touristes qui rentrent en France en avion. Après avoir raconté notre façon de vivre,
l'importance pour nos enfants de renvoyer les devoirs en temps et en heure (leur passage
en classe supérieure peut en dépendre) nous sympathisons et ils acceptent d'emmener le
paquet avec eux et de le poster à leur arrivée en France. Il est normal de leur donner
la grosse enveloppe ouverte, et de détailler avec eux le contenu. En ce qui me concerne
je n'accepterai jamais d'emmener en avion un colis fermé dont j'ignore le
contenu, pour le compte de gens que je connais
à peine.
Après l'envoi des devoirs il peut y avoir les difficultés de réception
des corrigés qui sont très largement annotés et qu'il est donc important et
très formateur de lire. Les contraintes du voyage ont fait que parfois nous
les recevions en poste restante plusieurs mois après la rédaction du devoir.
Les effets bénéfiques sont alors largement dilués.
Aujourd'hui beaucoup de choses se font par
INTERNET avec le CNED . C'est
génial, c'est presque du temps réel. Mais nous n'avions pas accès à cette
technologie à l'époque ou nous étions au CNED.
5 - Un espace
réservé aux enfants qui se prête bien à l'activité scolaire.
Lorsque Nathalie était en CP et CE1 et Gibé en CM2 et 6ème, nous avions carrément
réaménagé en école un coin du bateau en face de la cuisine. Anik pouvait assurer les
travaux ménagés tout en surveillant les deux loustics du coin de l'il.
|
Gibé installé à son pupitre en sixième.
Nathalie était assise à un pupitre identique en face de lui. |
Ce coin école offrait à chacun un vrai pupitre, un
banc à hauteur des petites jambes de Nathalie, 3 grands tiroirs de rangement pour les
trousses, les cahiers et les livres. Nous ne monopolisions pas ainsi la table du
carré qui peut être utile à autre chose et cela évitait de devoir tout ranger (si le
boulot n'était pas fini) quand le repas était prêt.
Les deux pupitres se faisait face. Dans les petites classes c'était
très pratique. Ensuite ils se sont un peu gênés. Les jambes avaient grandies et
l'attention se laissait distraire par ce que faisait l'autre... Nous avons donc cassé
l'école et construit une cabine de plus. Chaque jeune a ensuite disposé, dans sa
cabine, des rangements et du plan de travail nécessaire. Cela fait 2 coins école, 2
coins de vie individuel, pour lire, pour écrire aux amis, cacher ses petits secrets ou
écouter les cours de langue sur cassette sans déranger son voisin...
6 - Beaucoup de rigueur sur les horaires
Dans les petites
classes nous étions intransigeants sur les horaires, tous les jours, même le dimanche de
8 à 12 heures...
Avec les retards dans la réception des cours, l'année commence généralement fin
septembre et se termine fin mai (pour les corrections) après c'est 4 mois de vacances
pour parents et enfants... Les seules pauses que nous nous autorisions pendant l'année
scolaire c'est durant une navigation par gros temps ou une excursion intéressante de
plusieurs jours... et cela pas forcément à Noël ou à Pâques.
Les cours du CNED sont d'excellents supports qui aident bien les parents (qui sont des
répétiteurs). Nous qui ne sommes pas enseignants, avons été très surpris de la
rapidité phénoménale avec laquelle Nathalie a appris à lire et à écrire en quelques
mois. (fierté des parents). Nous ne l'avions pas remarqué autant avec Gibé parce que ce
n'était pas nous qui avions fait le travail.
A l'école le programme est très délayé et le professeur s'adapte au rythme des
gamins les plus lents. A bord, le programme est très concentré, on travaille 7 à 8 mois
par an, 3 heures 30 à 4 heures par jour et on voit un programme plus important.
Problèmes à bord:
L'école est une contrainte à bord; pour les enfants comme pour les parents. Quand il
y a contrainte, il y a création de stress et d'énervements... Le ton est monté parfois,
il y a eu des pleurs et des grincements de dents... Sur le bateau, les parents ne peuvent
plus reporter toute la responsabilité de l'éducation scolaire sur les professeurs... Ils
assurent seuls. Il faut donc contraindre parfois. C'est dur d'être un temps: papa ou
maman-copain, un autre temps: papa ou maman-prof (voir un truc un peu plus bas)
Problèmes du retour:
Dans les petites classes:
Les enfants étaient en tête de classe à chaque retour (tant que nous pouvions les
aider) car ils ont plus d'un trimestre d'avance. Mais à l'école, le rythme plus lent
leur fait perdre la concentration, ils ne travaillent plus et les résultats chutent dès
la fin de la première année.
Dans les grandes classes:
En réintégrant au niveau de la terminale S, Gibé avaient beaucoup de lacunes car
nous (les parents) étions dépassés par le programme... On ne peut pas l'aider donc on
le laisse davantage seul... On vérifie moins l'acquisition des connaissances...
On contrôle la qualité des devoirs rendus mais si l'esprit est bien structuré, s'il
a la capacité à résoudre les problèmes, à avancer par réflexion en utilisant les
documents dont il dispose (les livres, les cours...) il réalise un bon travail mais sans
faire l'effort d'apprendre...
Phénomène plusieurs fois constaté: Lors d'un nouveau chapitre ou sujet, Gibé était
très content car il comprenait ce qui était expliqué dans la première séance (c'est
nouveau). A la troisième séance (10 jours après, par exemple) il ne comprenait plus car
il n'avait pas appris (et donc pas retenu) le début qui est utile pour la suite...
Résultats: des lacunes énormes en connaissances de base mémorisées. Gibé a
commencé l'année de terminale avec 5 de moyenne. Il a tout de même obtenu son bac parce
que nos enfants ont appris à bosser par eux même, pour eux même, et ils se prennent en
main mieux que ceux qui n'ont connu que la formation encadrée de l'école... et puis les
calculettes mémorisent pas mal de choses aujourd'hui à la place de l'élève.
Les limites du système dépendent de chacun.
Il y a des gosses de bateau comme des gosses de la ville qui sont réfractaires aux
études. Avec ceux la, ce doit être très dur. Nous avons rencontré un gamin qui faisait
le tour du monde avec son père et qui avait complètement abandonné les études à 14
ans, par contre il savait démonter et remonter entièrement le moteur diesel du bateau...
Les limites dépendent aussi de la compétence des parents: Nous étions incapables
d'aider Gibé en math, physique et chimie en première S...
Pour notre famille la classe de troisième était la limite raisonnable... On l'a un
peu dépassée et cela s'est bien passé quand même. Nous avons la chance d'avoir des
enfants qui ont été courageux. C'est la première fois que nous le disons (ils vont lire
l'article pour le valider, profitons en, cela leur fera plaisir)
Nathalie a souvent suivi les cours assise sur les
genoux de sa maman ... |
avant d'être autonome... plus tard. |
Des petits trucs pour vous
aider:
Ne pas hésiter à demander un coup de main aux compétences
rencontrées sur les bateaux voisins: Des anglais, des espagnols... pour les langues, des
ingénieurs pour une leçon de physique etc... Beaucoup de gens le feront avec beaucoup de
gentillesse.
Dans les petites classes (et même ensuite) il faut faire accepter
que pendant la matinée on est le prof et non plus les parents. Pendant longtemps, je
commençais le cours en disant bonjour je suis Mr Machin le prof... et je mettais une
casquette (ce que je ne porte jamais d'habitude) pour changer de personnage.
En début d'année, le CNED donne à l'élève un dossier qui
explique comment il doit travailler: Le lire attentivement et suivre les conseils.
Tout au long de l'année, Nous conseillons aux parents de lire les
cours AVANT que les enfants ne posent des questions... Ne pas trop faire confiance à nos
"restes scolaires": Les choses ont évoluées, on ne les présente pas toujours
de la même façon...
Navigant de conserve avec un bateau ami pendant une année scolaire,
on a mis les horaires de classe en même temps sur chaque bord. Dans chaque bateau on
pouvait dire: "Regardez les autres, ils sont déjà au boulot, quand ils seront en
récréation, vous ne pourrez pas aller les rejoindre si vous n'avez pas fini... Quand les
jeunes imaginaient leurs copains en train de travailler cela évitait certaines
discussions familiales.
Quelles sont les réactions de
l'entourage ?
L'éducation de nos enfants est une des premières
questions qui nous est posée par la famille, nos amis ou les curieux de rencontre.
En général, au début, ils nous
regardent en coin (l'il suspicieux) car ils pensent que l'école est obligatoire en
France. Serions nous dans l'illégalité ? Ils se trompent: C'est l'éducation qui est
obligatoire... On a le choix des moyens... Bien sur il vaut mieux avoir une bonne raison
pour éviter le système scolaire classique. ...
Dans un deuxième temps ils se disent que
les enfants vont prendre du retard scolaire... Dans les petites classes ils ont
pris de l'avance (voir ci-dessus)...
Ils oublient la richesse non mesurable apportée par le voyage, l'ouverture d'esprit
générée par l'écoute des gens rencontrés: de tous milieux, de tous pays, de toutes
cultures... alors qu'à terre on reste souvent confiné dans son petit
environnement proche avec une vision unique des choses... (C'est vrai aussi pour les adultes... Certains "assistés plus qu'ils ne le méritent" feraient mieux d'aller
voir les conditions de vie dans les mines de Potosi en Bolivie...)
Ils oublient la paix et la santé que la vie naturelle nous apporte. Nous vivons
avec la mer, dessus,
dessous, dedans... La nature nous forme physiquement et intellectuellement
tous les jours.
Nos parents nous ont trouvé dans un premier temps, un peu irresponsables mais ensuite,
quand ils ont vu que tout s'était très bien passé, ils étaient très fiers de la
réussite scolaire de leurs petits enfants...
Les professionnels de
l'enseignements sont un peu méfiants:
Nous avons rencontré une professeur d'anglais qui trouvait les cours mal fait... Elle
les a arrangés à sa sauce pour ses enfants sur son bateau... Elle a sans doute
eu raison,mais pour des profanes
comme nous, les cours du CNED c'était bien.
Une directrice d'école qui n'avait pas tout compris ne voulait pas inscrire Gibé dans
son école à notre retour car, disait elle, les parents inscrivent les enfants au CNED et
quand cela ne va plus ils les remettent à l'école... Après elle s'est rendu compte et a
changé d'avis... Elle avait peut-être eu une mauvaise expérience auparavant.
Une fois seulement, un professeur de français nous a demandé de suivre nos enfants et
leur voyage pour intéresser sa classe. On n'a pas été plus loin, c'était une lourde
contrainte pour nous de correspondance et de travail supplémentaire... On a peut-être eu
tord... Il faut dire que nous n'utilisions pas Internet à cette époque.
Aujourd'hui ce serait différent.
Ce qui tracasse aussi les gens c'est le manque de contact
de nos enfants avec les autres enfants.
Il faut savoir que le temps passé en mer, seuls au large, est d'environ 3 mois par an.
Le reste du temps, Banik est au mouillage. Nos enfants débarquent souvent en dehors du
temps de travail. On a même favorisé cela en ayant à bord deux annexes avec deux hors
bord (un petit 3 chevaux pour les enfants).
Je n'ai jamais rencontré de pays sans enfant: Si les parents acceptent (et favorisent)
les contacts avec les locaux, il n'y a pas de problèmes. Les enfants comprennent vite que
les rencontres sont courtes, ils apprennent à lier vite connaissance, ils prennent
l'habitude et développent le plaisir de la correspondance écrite.
Plus tard (en 1ère), Gibé qui est très à l'aise partout en société, a ressenti un
manque de références. Pas un manque de copains mais un manque de jeunes de son age, dans la
même classe, pour qu'il puisse se situer par comparaison, sur un plan scolaire... Il
était incapable de dire s'il était à niveau, les notes à ses devoirs ne voulant pas
dire grand chose (Les devoirs sont faits avec les documents et dans une durée qu'il s'accordait
lui même) C'est une des raisons importante de notre retour. Gibé souhaitait faire sa
terminale et préparer son bac encadré dans un environnement scolaire. Et il a eu raison.
4 ans après sa classe de 5éme :
Le souvenir de Nathalie sur cette scolarité
au
fil de l'eau avec l'aide du CNED.