Réponses aux
questions:
Remplir
la caisse de bord pendant le voyage ?:
Publication
de deux lettres qui ont le même esprit... et réponse
complète de Banik ci-dessous:
Bonjour à vous, Félicitation
pour votre site, nous sommes en préparation pour un départ 2001 nous aimerions
savoir si lors de vos escales vous avez rencontré des gens qui vendaient des
aquarelles, cela sera une source de revenu pour nous, merci à l'avance,
qualité des aquarelles? prix des aquarelles? meilleurs sites pour vendre?
Paul
& Diane sur EAUDELA ( endurance 35 ketch )
Bonjour A votre
avis est-il possible de vivre de son art ,comme le dessin ,la peinture ,l'écriture
ou autres... en voyageant à la voile ? Par exemple, en proposant ses oeuvres
aux gens que l'on rencontre, en les vendant en artiste "libre" (si
elles plaisent bien sur a certains et donc qu'on trouve des acheteurs potentiels
), en exposant ses créations aux escales, sur les lieux touristiques, les
plages, au porte à porte, sur les marchés ou ailleurs.. Et si oui, connaissez
vous ou avez vous croisé durant vos voyages en mer des "artistes
navigateurs" qui en vivent, même modestement ?
J'ai entendu parlé de ces hippies vagabonds à terre ou oiseaux du large sur
mer et j'aimerais savoir si certains vivent toujours comme ça. Je me demande
comment certains voyageurs arrivent a gagner leur vie en se déplaçant, peut-être
aussi que certains vendent le produit de leur pêche (pensez
vous que c'est possible ?), ou trouvent un job plus "classique" a
chaque escale. J'aimerais bien avoir des infos là dessus. Voilà j'espère que
ma question ne vous paraîtra pas trop naïve...
En espérant votre réponse
,je vous souhaite bonne chance pour la suite et bon vent. Amicalement,
WANJI
Nous
recevons régulièrement ce type de question... Leurs auteurs se demandent s'il
est possible de gagner sa vie en cours de voyage sans trop se casser la tête...
Comment on voyait
les choses jusque maintenant :
En rappelant
que c'est tout à fait personnel, que vous êtes
différents de nous et donc capables de faire des choses qui
nous semblent impossibles à nous.
Il n'y a pas de formules magiques
pour ne plus avoir besoin de manger ou pour remplir la caisse de
bord de pièces d'or... Soit vous héritez d'un oncle d'Amérique,
soit vous possédez des revenus financiers ou locatifs suffisants
soit vous faites comme nous, vous travaillez.
En ce qui nous concerne, nous
préférons ne pas travailler durant le voyage car justement on
est en voyage et on veut en profiter. Ca parait simple comme
idée, non ?
Nous avons trouvé notre équilibre en alternant
des périodes de travail acharné pour construire ou entretenir le bateau et
mettre quelques sous de coté et des périodes de voyages ou la vie est
merveilleuse sans bosser du tout...
Le rapport est en gros : Quatre à
cinq années de boulot à deux en France pour deux ans de voyage.
Il faut travailler en France ou les salaires sont corrects et
dépenser les sous dans les pays à faible niveau de vie pour que
ça dure le plus longtemps possible voir l'article sur notre
budget en voyage.
Et pourquoi ne
pas faire les années de boulot là ou on se trouve dans le
voyage plutôt que de rentrer en France ?
Parce que à l'étranger on est des
étrangers, des travailleurs immigrés sans permis de travail...
et que nous avions choisi de re-scolariser les enfants dans
l'éducation nationale à chaque "arrêt travail" et que
nous ne fuyons pas la société donc heureux de rentrer etc...
Quand nos jeunes seront autonomes,
nous repartirons pour une période beaucoup plus longue. Notre
condition n'a pas changé, nous devrons toujours travailler et
nous n'imaginons pas devoir économiser 15 ans de suite pour
partir 7 ans ensuite.
Le
problème qui nous est posé dans cette page va donc devenir
aussi le notre pour la première fois:
Comment alimenter
la caisse de bord en voyageant ?
Le mythe du navigateur qui arrive
dans une île, accueilli par une nuée de jeunes et jolies filles
toutes empressées de le couvrir de baisers et de fruits exotiques
et une légende que nous n'avons (hélas) jamais rencontré.
Il ne doit plus y avoir beaucoup de
coins inexplorés sous le soleil des tropiques. Quand un voilier
arrive il est plutôt attendu comme une manne possible que comme
un invité à choyer. Le temps ou on naviguait en vivant de la
chasse (les armes à bord sont souvent interdites) ou de la pèche
(de plus en plus réglementée) est révolu. On a intérêt à
avoir une certaine autonomie financière.
Pour répondre à Paul et Diane, on a pas vu de gens qui faisaient
des aquarelles
mais c'est une bonne idée... Un gars gagnait beaucoup de sous en faisant des
tableaux à la bombe... Paysages futuristes réalisés en quelques minutes... A Curaçao
cela semblait facile de travailler dans la rue... Je ne sais pas si c'est
toujours vrai... les choses évoluent... mais vous découvrirez cela au fil de
l'eau...
Il faut savoir que le travail dans
la rue n'est pas autorisé partout et pour espérer en vivre il
faut avoir un sacré talent pour proposer des articles qui intéressent
les gens... Ce n'est pas donné à tout le monde.
Il est possible de faire
un peu de trafic. C'est une activité traditionnelle
des marins qui passent d'un continent à l'autre. Pas de commerce
de choses interdites ou illégales bien entendu.
Nous avons rencontré un équipage qui, passant au Sénégal,
avait fait un stock de magnifiques pièces de tissus africains
fort colorés. Arrivés aux Antilles, ils ont revendu leurs
paréos sur les plages devant les hôtels de touristes avec une
belle plus-value. Ca peut marcher un temps, c'est un peu limite
mais le risque n'est pas trop important. A vous d'avoir
l'imagination pour trouver les objets sympas que vous pourrez
vendre ou échanger.
Pour notre part, nous ne nous sentons pas capables de jouer ainsi
au chat et à la souris avec les douanes.
Pour répondre à Wanji : Les
métiers qui sont appréciés quand on arrive quelque part, sont
ceux qui sont rares sur place. Il nous semble difficile de venir
vendre le produit de notre pêche aux habitant d'un village côtier
ou la moitié des hommes sont eux même pêcheurs...
Patrick Van God dans son premier
livre "TRISMUS" raconte comment il a organisé une
consultation de dentiste sur une plage du Cap vert. Il y avait la
queue sur le sable et il a été payé en vivre et en produits
divers. Pas d'argent, les gens en ont trop peu et le troc fait
partie des pratiques.
|
Gibé
a bien compris l'utilité de travailler durant le voyage... Dalleurs
il laisse son papa se préoccuper de ce problème, et
préfère tester tout de suite le hamac qui sera bien utile
pour le futur repos du travailleur qui rentrera
le soir, harassé
de fatigue. |
Trouver de
l'argent est cependant inévitable.
Les
métiers médicaux ou paramédicaux ont assez
facilement des propositions. Nous avons rencontrés plusieurs
voiliers aux Antilles ou les hommes (avec des diplômes
d'architecte, de commercial etc...) passaient leur temps à bord,
pendant que les femmes "trimaient" toute la journée
dans une pharmacie ou à l'hôpital. ( Note: Je ne suis pas certain
qu'Anik accepterait cette situation bien longtemps).
Les
métiers manuels : mécaniciens, charpentiers,
électriciens, frigoristes etc... ont également des occasions de
petits ou gros boulots.
Nous parlons bien d'occasions qui
se présentent.
Nous avons remarqué que quand quelqu'un cherche à travailler
parce qu'il en a absolument besoin, il y a un phénomène de
méfiance, les portes amicales des locaux accueillants se
referment rapidement comme pour se protéger.
A contrario, quand on raconte nos aventures sans rien demander, on
fait rêver les gens, on devient tout de suite sympathique et ils
ont naturellement envie de nous aider. C'est ainsi que quelques
jours plus tard, ils reviennent vous revoir pour vous proposer
quelque chose et cela leur fait plaisir.
Cela sous entend que l'on a un peu d'avance dans la caisse du
bord, que l'on ne se laisse jamais acculer dans une situation
financière trop limite.
Cela veut dire que l'on sait aller vers les autres et susciter de
la sympathie.
Cela veut dire que l'on est capable de réaliser des travaux dans
de nombreux domaines différents. Il faut être un bon bricoleur
et la construction totale de Banik nous a bien former sur de
nombreux sujets.
L'écriture
permet à certain d'arrondir les fins de mois. Il ne faut pas non
plus croire que tout le monde peut le faire.
Il faut pour cela avoir des choses exceptionnelles à raconter et
nous ne souhaitons pas passer le cap Horn à l'envers en plein
hiver.
Ou bien il faut avoir une plume remarquable
pour dire toute la poésie de cette vie exaltante. Cela nécessite
du talent et on nous a déjà dit que l'on doit mieux faire...
Ou il faut être connu... Peut-être que le site de Banik nous
apportera progressivement un peu de notoriété ???
De toutes les façons il faut être conscient de la réalité :
Une page dans un magazine est payée entre 100 et 150 €. Ce
n'est pas évident d'en avoir 7 ou 8 tous les mois. Un livre
ne rapporte pas grand chose à son auteur quand il n'est pas
encore connu.
Avec
les
Cahiers de voyage de Banik, nous avons inventé un système
d'écriture par Internet. Les lecteurs s'abonnent à un feuilleton
sous forme d'articles qu'ils reçoivent régulièrement dans leur
boite à mail.
Faire du
charter : Quel rêve ! travailler en pratiquant
la navigation qui est notre passion ! Croyez vous ? Pour
être skipper officiel dans une base de charter française il faut
le BPPV : Brevet de Patron Plaisance à Voile. C'est un diplôme
de la Marine Marchande. Comme tout diplôme il est possible de le
passer... Il faut juste faire la démarche des études et de
passer les épreuves !!!
Ensuite vous déchantez : il y a la queue au portillon pour
devenir spécialiste des cocktails sur des voiliers qui offrent
autant une prestation d'hôtellerie que de navigation.
Nous noircissons sans doute un peu trop, mais il y a du vrai.
Certains emmènent des amis sur
leur propre voilier. C'est possible, nous avons fait cette
expérience avec Banik. Mais il faut savoir que les amis ne
viennent pas tout seul, il faut une vraie logistique à terre pour
les relancer, organiser les parcours, bloquer des dates, réserver
les billets d'avions, rappeler qu'ils sont en vacances mais qu'il
est aussi important pour nous qu'ils participent aux frais
d'entretien annuel du bateau... (Ca ils l'oublient facilement)...
C'est dur à organiser de façon durable pendant qu'on navigue.
C'est beaucoup plus facile pour une navigation d'été ponctuelle
comme nous le faisons pour notre aller et retour aux Açores en
2002.
Conclusion:
Pas de recette universelle qui
marche pour tout le monde... Ca ce saurait.
Vous devez creuser vous même dans un domaine qui convient à vos
talents.
Pour notre cas personnel, ne
possédant pas de talents particuliers, il n'y aura pas un
moyen unique de remplir la caisse du bord quand nous naviguerons
sur une longue période (plus de 2 ans); mais une panoplie de
possibilités qui toutes additionnées devront permettre de
couvrir nos dépenses courantes qui sont modestes. Nous aurons des
périodes insouciantes et quand le niveau des finances baissera
nous serons attentifs aux opportunités.
Trois règles
nous guideront:
- Ne jamais descendre en
dessous du seuil d'un an de réserve.
- Travailler dans des
domaines de spécialiste dans des endroits ou le niveau
de vie (donc les salaires) sont élevés puis vivre dans les
régions ou l'€ et le $ ont de la valeur.
- Rester vigilants.
Il ne faut pas se laisser endormir par le bon rhum et aveugler
par le soleil des tropiques. Le choix du voyage en bateau ce
n'est pas être en vacances permanentes. Si nous avons besoin de
travailler pour vivre à terre, c'est vrai aussi quand on vit
sur l'eau. Trop "d'artistes navigateurs", de
"hippies vagabonds", "d'oiseaux du large" se
sont laissés gagner insidieusement par une torpeur qui les a
réduit, désabusés et sans ressources.
Et, ce qui est le pire : Avec un rêve déçu.
Ca doit faire aussi mal qu'un grand amour brisé.
Ne croyez pas qu'on moralise, on
regarde juste ce qui se passe et on vous fait part de notre
réflexion comme à des amis.
Vous connaissez tous Bernard
Moitessier ou Marcel Bardiaux ce sont deux personnages
extraordinaires connus de tous les navigateurs. Ils ont écrits
des livres qui les ont rendus célèbres car ils ont tous les deux
une force de caractère peu commune. Ils sont allés au bout de
leurs rêves jusqu'au bout de leur vie. Mais ils l'ont eu dure,
leur fin de vie... et nous savons que nous sommes loin d'avoir
leur trempe.
Si on n'arrive
pas à assumer notre voyage, on rentrera un peu plus tôt, mais
avec plein de bons souvenirs en tête.
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